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HEUREUSE INFORTUNE

ment. Il serait futile, colonel, étant donné les ordres que vous exécutez, de chercher maintenant à vous cacher nos dissensions de famille : à cette heure, tout cela c’est le secret de la comédie. Eh ! bien, Messieurs, qu’en pensez-vous, puis-je pardonner à ma femme ? Je le puis, il est vrai, et je le fais. Mais de quelle façon ? Certes je ne m’abaisserai jamais jusqu’à la vengeance, mais certes aussi la princesse ne sera jamais plus la même à mes yeux.

— Un instant, Altesse, répliqua le colonel. Vous me permettrez de croire, j’espère, que j’ai affaire à des chrétiens. Nous reconnaissons bien, j’imagine, que nous ne sommes tous que de misérables pécheurs.

— Parlez pour vous, colonel ! s’écria Gotthold. Quant à moi, réchauffé par ce vin généreux, je n’admets rien de semblable. Je réfute votre thèse.

— Quoi ! Monsieur, est-il possible ! N’avez-vous donc jamais failli ? Et pourtant, il y a un instant à peine, ne vous entendis-je pas demander pardon ? À votre Dieu ? Point. À un simple compagnon de misère !

— À cela je me rends, dit Gotthold. Vous êtes fort en matière d’argument, monsieur le colonel.

— Pardieu, Monsieur, je suis flatté de votre opinion ! Mon Dieu, oui, je fus dans mon temps assez solidement ferré, à l’Université d’Aberdeen. Mais, pour en revenir à cette question du pardon, tout cela, Monsieur, ne tient qu’à des notions mal digérées, et aussi (ce qui est peut-être plus pernicieux encore) à une trop grande régularité d’existence. Dogme pur, mauvaise morale : voilà