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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Elle y lut clairement ses idées, et comprit qu’il était temps de partir.

Elle se leva et lui offrit un florin. — Cela vous dédommagera-t-il ? demanda-t-elle.

Mais maintenant l’homme retrouva sa langue.

— Il me faut plus que cela, dit-il.

— C’est tout ce que j’ai à vous donner, répliqua-t-elle, et elle passa outre avec sérénité. Au fond du cœur pourtant elle tremblait, car elle avait vu l’homme avancer la main comme pour l’arrêter, et son œil inquiet se tourner du côté de la hache. Un sentier battu partait de la clairière vers l’Occident, elle s’y engagea d’un pas rapide, sans jeter un regard derrière elle. Mais sitôt que le plus léger tournant du sentier l’eut cachée aux yeux du bûcheron, elle se glissa entre les arbres et se prit à courir jusqu’à ce qu’elle se crût en sûreté.

Le soleil était déjà assez fort pour percer en mille endroits le chaume des sapins entrelacés, et faire flamboyer leurs troncs rouges ; les rayons dardaient dans les nefs ombragées, et allumaient dans le gazon mille bijoux étincelants. La résine de ces grands arbres flattait les sens plus délicatement que tous les parfums de l’Arabie : sous la vigoureuse lumière du soleil matinal chaque sapin brûlait l’encens de ses propres senteurs ; de temps à autre, une brise s’élevant balançait ces encensoirs enracinés, faisant voltiger les ombres et les pierreries ensoleillées, promptes comme l’hirondelle, pressées comme un essaim affairé qui s’éloignait en murmurant.

Elle marchait toujours, montant ou descendant, au soleil ou à l’ombre ; tantôt le long des