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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

Bien des personnes dans ma position eussent été intimidées par votre hardiesse. Je ne suis pas… Et pour un moment elle regarda la comtesse d’un air assez piteux, je ne suis pas tout à fait aussi inhumaine que vous croyez.

— Et vous pouvez, s’écria la comtesse, faire peser ces difficultés d’État dans la balance, contre l’amour d’un homme !

— Madame de Rosen, ces difficultés sont affaires de vie et de mort pour beaucoup de gens, pour le prince, peut-être même pour vous, entre autres, répondit la princesse avec dignité. Quoique jeune, Madame, j’ai appris, et dans une dure école, à reconnaître que mes propres sentiments ne doivent jamais venir qu’en dernière considération.

— Ô innocence d’oiselet ! s’écria l’autre femme. Est-il possible vraiment que vous ignoriez, que vous ne soupçonniez pas l’intrigue au milieu de laquelle vous vous mouvez ! Je ne puis m’empêcher de vous prendre en pitié. Nous sommes toutes deux femmes, après tout… pauvre enfant, pauvre enfant, et naître femme c’est naître dupe. Quoique je déteste toutes les femmes, allons, en considération de votre folie, je vous pardonne. Altesse… elle tira une révérence profonde et théâtrale et reprit son jeu d’éventail, je vais à présent vous insulter, trahir celui qu’on prétend être mon amant, et s’il vous plaît de faire usage du pouvoir que je vais placer sans réserve entre vos mains, me ruiner moi-même, toute chère que je me suis. Ah ! quelle comédie à la française !… Vous trompez, je trompe, ils trompent ! Mais j’entre maintenant en scène. Ainsi donc, la lettre.