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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

le prince : on m’a donné à entendre que vous viendriez ici préparé à me rencontrer.

— Monsieur Gordon, sans doute ? dit Othon.

— Le colonel Gordon, répondit l’officier. C’est chose assez délicate que de s’embarquer dans une affaire comme celle-ci, et je suis fort soulagé de voir que tout paraît devoir se passer agréablement. La voiture se trouve tout proche. Aurai-je l’honneur de suivre Votre Altesse ?

— Colonel, dit le prince, j’en suis arrivé à cet heureux moment de ma vie où je puis recevoir des ordres et non en donner.

— Une observation des plus philosophiques, dit le colonel… pardieu, une observation pleine d’à-propos ! Cela pourrait être du Plutarque. Je n’ai pas la plus distante parenté avec Votre Altesse (ni du reste avec qui que ce soit de cette principauté), sans cela mes ordres me seraient fort déplaisants. Mais puisqu’il en est ainsi, et puisque de mon côté il n’y a rien contre nature ni même de malséant, et que Votre Altesse prend la chose en bonne part, je commence à croire que nous pourrons passer notre temps ensemble d’une façon admirable, Monseigneur… oui, admirable. Après tout, le geôlier n’est qu’un compagnon de captivité.

— Puis-je vous demander, monsieur Gordon, dit le prince, ce qui vous a induit à accepter un office si dangereux et, j’ose l’espérer, si ingrat ?

— Question fort naturelle, en vérité, répondit l’officier de fortune. Ma solde, pour le moment, est doublée.

— C’est bien, Monsieur, je n’aurai pas la présomption de critiquer une raison semblable, ré-