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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— Sorcière ! s’écria-t-il. Vous n’avez pas dans toute l’Europe votre égale en diablerie !… Bons à quelque chose, vos yeux ? Mais, l’affaire va sur des roulettes !

— Alors, embrassez-moi, et je pars. Il ne faut pas que je manque ma Tête-de-Plume.

— Un instant, un instant ! Pas si vite ! Sur mon âme, je voudrais reposer ma confiance en vous ; mais vous êtes en toutes choses une diablesse si capricieuse, que je n’ose pas. Que diantre, Anna, !… Non, ce n’est pas possible !

— Vous vous méfiez de moi, Henri ? s’écria-t-elle.

— Heu, heu ! méfiance n’est pas le mot… je vous connais. Une fois loin de moi, avec ce papier dans la poche, qui sait ce que vous en feriez ? Ce n’est pas vous du moins… ni moi qui pourrais le dire. C’est que, voyez-vous, ajouta-t-il en regardant la comtesse dans les yeux, et en secouant la tête d’un air paterne, vous êtes malicieuse comme un vrai singe.

— Je vous jure, s’écria-t-elle, sur mon salut !…

— Je n’ai aucune curiosité d’entendre vos serments, dit le baron.

— Vous croyez que je suis sans religion ? Vous me croyez dénuée de tout honneur ? C’est bien, écoutez, dit-elle, je ne discuterai pas, mais une fois pour toutes je vous dis ceci : laissez-moi cet ordre, et le prince est arrêté ; reprenez-le, et, aussi vrai que je vous parle, je fais tout chavirer. Ayez pleine confiance, ou redoutez-moi, vous avez le choix. Et elle lui offrit le papier.

Le baron, fortement intrigué, demeura irrésolu,