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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

vous qu’appartient le génie. Votre générosité trahit votre perception ; la seule chose que je pusse vous offrir était la position, ce trône pour point d’appui. Mais du moins je l’ai offert sans réserve ; du moins j’entrais chaleureusement dans toutes vos pensées ; vous étiez sûr de mon soutien, sûr de trouver justice. Dites-moi, oh ! dites-moi encore une fois que je vous ai soutenu !

— Non, Madame, fit-il ; vous m’avez fait. En tout vous avez été mon inspiratrice. Et quand nous préparions notre politique, calculant la portée de chaque pas, combien de fois n’ai-je pas dû admirer votre perspicacité, votre diligence toute virile et votre courage ! Vous savez que ce ne sont pas là les mots d’un flatteur : ils doivent trouver un écho dans votre conscience même. Quand avez-vous perdu un seul jour ? Quand vous êtes-vous relâchée pour un seul plaisir ? Vous, jeune et belle, vous avez vécu une vie d’efforts intellectuels, une vie de fatigante patience pour les détails. Eh ! bien, vous avez votre récompense : avec la chute de Brandenau le trône de votre empire est fondé.

— Quelle pensée avez-vous donc en tête ? demanda-t-elle. Tout n’est-il donc pas perdu ?

— Non, ma princesse… et nous avons tous deux la même pensée.

— Monsieur de Gondremark, répondit-elle, par tout ce que j’ai de plus sacré, je n’ai aucune idée. Je ne pense à rien… je suis brisée.

— Vous ne considérez encore que le côté passionné d’une nature riche, incomprise et récemment insultée, dit le baron. Regardez dans votre intelligence, et dites-moi ce que vous y voyez.