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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

vient d’arriver. Mais aussi, Madame, je savais deux choses : je savais que vous étiez née pour commander, et que j’étais né pour servir. Je savais que, par une rare conjonction, la main avait rencontré l’outil. Dès l’abord j’ai été convaincu, comme je suis ; convaincu aujourd’hui, qu’aucun prince frivole n’aurait le pouvoir de rompre cette alliance.

— Moi, née pour le commandement ! dit-elle. Oubliez-vous mes larmes ?

— Madame, ce furent les larmes d’Alexandre, s’écria le baron. Elles me touchèrent, m’électrisèrent ; je me suis moi-même aussi oublié pour un instant. Mais pensez-vous que je n’aie pas remarqué, que je n’aie pas admiré votre maintien auparavant, votre immense empire sur vous-même ? Ah ! voilà qui était princier ! Ici il fit une pause. Oui c’était chose à voir : j’y ai bu la confiance. J’essayai d’imiter votre calme, et je fus bien inspiré. Du fond du cœur je crois vraiment que je fus bien inspiré et que tout homme capable de raisonnement eût été convaincu. Mais cela ne devait pas être… Et à vrai dire, Madame, je ne regrette pas l’insuccès. Soyons francs ; permettez-moi d’ouvrir mon cœur. J’ai aimé deux choses, honorablement aimé : Grunewald et ma souveraine. Ici il lui baisa la main. De deux choses l’une, ou il me faut résigner mon ministère, quitter mon pays adopté, Quitter la reine à qui j’ai voué mon obéissance, ou bien… Il fit une nouvelle pause.

— Hélas, monsieur de Gondremark, il n’y a pas de ou bien !