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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE


— Est-ce du nouveau ? demanda Othon. Mode de Vienne ?

— Tout battant neuf, répondit la dame, en vue du retour de Votre Altesse. Je me suis sentie jeune ce matin : c’était un pressentiment. Mais pourquoi, prince, nous abandonnez-vous si souvent ?

— Pour le plaisir de revenir, dit Othon. Je suis comme le chien : il me faut enterrer mon os et revenir le dévorer des yeux.

— Oh ! un os ! Fi donc ! quelle comparaison ! répliqua la dame.

— C’est ce que le chien, Madame, a de plus cher, dit le prince. Mais j’aperçois madame de Rosen.

Et Othon, quittant le groupe avec lequel il venait de gazouiller, s’avança vers l’embrasure d’une fenêtre où se tenait une dame.

La comtesse de Rosen jusqu’alors avait été silencieuse et un peu abattue ; mais, à l’approche du prince elle commença à se ranimer. C’était une femme grande, élancée comme une nymphe, à la démarche légère. Sa figure, belle déjà au repos, s’illuminait, se transformait par l’animation, s’épanouissait en sourires, et se réchauffait d’adorables couleurs. Elle chantait admirablement ; et même en parlant sa voix possédait une variété de tons extraordinaire ; les notes graves en étaient riches avec toutes les qualités de la taille, et les plus hautes, rieuses et vibrantes de musique. C’était un joyau à mille facettes et à mille feux différents : une femme qui masquait la plus belle partie de sa beauté pour la faire, dans un instant de caresse, briller soudain comme une arme. Un