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n’est-ce pas ? si je ferme les yeux pour un instant ! J’ai passé la nuit au chevet d’un ami malade.

Pitman, absolument ahuri, regardait droit devant lui. La rage et le désespoir se mêlaient dans son âme innocente. Des idées de fuite, des idées même de suicide lui venaient, repartaient, et lui revenaient. Et toujours l’avocat attendait avec patience, et toujours l’artiste s’efforçait vainement de trouver des mots, n’importe lesquels.

— Oui, monsieur ! Il s’agit d’une rupture de promesse de mariage ! dit-il enfin à voix basse. Je… suis menacé d’un procès pour rupture de promesse de mariage…

Arrivé à ce point de son discours, il voulut se tirer la barbe, en quête d’une inspiration nouvelle. Ses doigts se refermèrent sur le poli inaccoutumé d’un menton rasé ; et, du même coup, il sentit que tout ce qui lui restait d’espoir et de courage l’abandonnait irrémédiablement. Il se tourna vers Michel, et le secoua de toutes ses forces :

— Réveillez-vous ! lui cria-t-il avec colère. Je n’en viens pas à bout, et vous le savez bien !

— Il faut que vous excusiez mon ami, monsieur ! dit aussitôt Michel. Le fait est qu’il n’a pas été doué par la nature pour la narration. Mais au reste, — poursuivit-il, — l’affaire est des plus