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Ma vie est un peu monotone, reprit-il, en versant l’eau-de-vie. Je vois peu de monde, et je reste là à tourner mes pouces et à rêver d’un grand jour qui est passé, à attendre avec impatience un autre grand jour qui se prépare selon toutes nos espérances, et je bois à la Restauration.

Alors on choqua les verres et on but.

Je n’en voulais assurément pas au roi George, et s’il eût été là en personne, il est probable qu’il eût fait comme moi.

À peine eus-je avalé cette gorgée, que je sentis un bien-être infini. Je pus regarder et écouter, toujours à travers un léger voile, mais sans ressentir cette même épouvante mal fondée et cet abattement d’esprit qui m’avaient accablé.

C’était certainement un étrange endroit que celui-là, et un singulier hôte que le nôtre.

Dans sa longue retraite, Cluny s’était créé peu à peu nombre d’habitudes minutieuses, comme celles d’une vieille fille.

Il avait pour s’asseoir un endroit particulier, où personne autre ne devait se mettre.

La Cage était arrangée d’une certaine façon ; personne ne devait la modifier.

La cuisine était la principale de ses occupations, et tout en nous invitant à entrer, il surveillait de l’œil la préparation des grillades.

À ce qu’il paraît, il rendait ou recevait quelquefois des visites, de sa femme, d’un ou deux de ses meilleurs amis, à la faveur de la nuit ; mais presque tout son temps, il le passait dans une solitude complète, n’ayant de communication qu’avec ses sentinelles et les valets qui le servaient dans sa Cage.

Pour commencer sa journée, l’un d’eux, qui était