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LES SOLDATS DE 1914

Qui laissaient sans regret une dernière alcôve.
Les femmes apportaient les glaïeuls et les mauves
Du verger. Les enfants se faisaient signe entre eux
Que ces aînés partaient pour d’ineffables jeux.
On s’empressait, nouant à la hâte, aux armures,
Les fleurs, prêtes déjà pour des tombes futures.
Les soldats se mettaient en marche. Leur maintien
Semblait prendre congé du joug quotidien
Dont nulle âme ici-bas, si Dieu l’a faite altière,
N’a supporté sans pleurs le pain et la litière.
Ils partaient, ils étaient hardis, chacun voulant
Étonner son ami par un plus noble élan,
Leurs âmes, en montant, se bousculaient sans doute
Sur la céleste voie où les héros font route.
Ils riaient. En riant, ils savaient que l’on meurt
Quand on accepte avec cette royale humeur
De courir à l’assaut comme à la promenade.
Ils mettaient leurs gants blancs devant la canonnade
Et tendaient cette main de fiancé joyeux
À la vierge d’airain qui leur broyait les yeux
Jusqu’à ce que le jour sombrât sous leurs paupières…

— Ô morts, assistez-nous à notre heure dernière !
Prenez pitié de nous, sachez combien vraiment
Nous vous avons aimés fièrement, humblement !
Dites-nous, pour qu’un peu de force nous soutienne :
« J’eus la mort des élus, sache endurer la tienne
Avec ce qu’elle a d’âpre, et de pauvre et d’amer.
Oui, j’ai goûté le feu, j’ai marché sur la mer,