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malheurs lui sembla toujours d’être conquis et non d’être mal gouverné et vexé dans sa maison.

Quand son esprit eût eu plus de lumières, quand il eût connu l’invincible force du gouvernement de l’opinion, je ne doute pas que l’homme ne l’eût emporté et qu’à la longue, le despote n’eût paru. Il n’est pas donné à un seul être humain d’avoir à la fois tous les talents, et il était trop sublime comme général pour être bon comme politique et législateur.

Dans les premiers mois de son consulat, il exerçait une véritable dictature, rendue indispensable par les événements. Talonné à l’intérieur par les Jacobins et les royalistes, et par le souvenir des conspirations récentes de Barras et de Sieyès, pressé à l’extérieur par les armées des rois, prêtes à inonder le sol de la République, la première loi était d’exister. Cette loi justifie à mes yeux toutes les mesures arbitraires de la première année de son consulat.

Peu à peu, la théorie réunie à ce qu’on voyait, porta à croire que ses vues étaient toutes personnelles. Aussitôt, la tourbe des flatteurs s’empara de lui ; on les vit outrer comme à l’ordinaire toutes les opinions qu’on supposait au Maître[1]. Les

  1. Carrion-Nisas en 1801, ou Ferrand, en 1815.