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bourgeois devenu roi ne pouvait pas faire une bonne fin.

J’ai vécu dix ans dans ce salon, reçu poliment, estimé, mais tous les jours moins lié, excepté avec mes amis. C’est là un des défauts de mon caractère. C’est ce défaut qui fait que je ne m’en prends pas aux hommes de mon peu d’avancement. Cela, bien convenu, malgré ce que le général Duroc m’a dit deux ou trois fois de mes talents pour le militaire, je suis content dans une position inférieure. Admirablement content surtout quand je suis à deux cents lieues de mon chef, comme aujourd’hui.

J’espère donc que, si l’ennui n’empêche pas qu’on lise ce livre, on n’y trouvera pas de la rancune contre les hommes. On ne prend leur faveur qu’avec un certain hameçon. Quand je veux m’en servir, je pêche une estime ou deux, mais bientôt l’hameçon fatigue ma main. Cependant en 1814, au moment où Napoléon m’envoya dans la 7e division, Mme la Comtesse Daru, femme d’un ministre, me dit : « Sans cette maudite invasion, vous alliez être préfet de grande ville. » J’eus quelque lieu de croire qu’il s’agissait de Toulouse.

J’oubliais un drôle de caractère de femme, je négligeai de lui plaire, elle se