Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faite ; cet homme vêtu de quelque habit gris mal fait, et entrant, en boitant un peu et s’appuyant sur son bâton, dans le salon de Mme de Tracy qui l’appelait : mon cher Monsieur, avec un son de voix enchanteur, était le général de Lafayette en 1821, et tel nous l’a montré le Gascon Scheffer dans son portrait fort ressemblant.

Ce cher Monsieur de Mme de Tracy, et dit de ce ton, faisait, je crois, le malheur de M. de Tracy. Ce n’est pas que M. de Lafayette eût été bien avec sa femme, ou qu’il se souciât, à son âge, de ce genre de malheur, c’est tout simplement que l’admiration sincère et jamais jouée ou exagérée de Mme de Tracy pour M. de Lafayette constituait trop évidemment celui-ci le premier personnage du salon.

Quelque neuf que je fusse en 1821 (j’avais toujours vécu dans les illusions de l’enthousiasme et des passions) je distinguai cela tout seul.

Je sentis aussi, sans que personne m’en avertît, que M. de Lafayette était tout simplement un héros de Plutarque. Il vivait au jour le jour, sans trop d’esprit, faisant, comme Épaminondas, la grande action qui se présentait.

En attendant, malgré son âge (né en 1757, comme son camarade du jeu de Paume, Charles X), uniquement occupé