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ne trouvant aucune idée, avançait son fauteuil ; mais c’était par un mouvement incroyable de comique, en le saisissant entre les cuisses écartées.

Après avoir ri de son impuissance, je me disais : « Mais n’est-ce point moi qui ai tort ? C’est là le célèbre ambassadeur auprès de la Grande-Catherine, qui vola sa plume à l’ambassadeur d’Angleterre. C’est l’historien de Guillaume II ou III (je ne me rappelle plus lequel, l’amant de la Lichtenau pour laquelle Benjamin Constant se battait). »

J’étais sujet à trop respecter dans ma jeunesse. Quand mon imagination s’emparait d’un homme, je restais stupide devant lui : j’adorais ses défauts.

Mais le ridicule de M. de Ségur guidant Napoléon se trouva, à ce qu’il paraît, trop fort pour ma gallibility.

Du reste, au comte de Ségur, grand maître des cérémonies (en cela bien différent de Philippe), on eût pu demander tous les procédés délicats et même dans le genre femme s’avançant jusques à l’héroïsme. Il avait aussi des mots délicats et charmants, mais il ne fallait pas qu’ils s’élevassent au-dessus de la taille lilliputienne de ses idées.

J’ai eu le plus grand tort de ne pas cultiver cet aimable vieillard de 1821 à 1830 ; je