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M. Odilon Barot, petit homme à barbe bleue. Il défendait, comme avocat, un de ces pauvres niais qui se mêlent de conspirer, n’ayant que les deux tiers ou les trois quarts du courage qu’il faut pour cette action saugrenue. La logique de M. Odilon Barot me frappa. Je me tenais d’ordinaire derrière le fauteuil du chancelier M. d’Ambray, à un pas ou deux. Il me sembla qu’il conduisait tous ces débats avec assez d’honnêteté pour un noble[1].

C’était le ton et les manières de M. Petit, le maître de l’hôtel de Bruxelles, ancien valet de chambre de MM. de Damas, mais avec cette différence que M. d’Ambray avait les manières moins nobles. Le lendemain, je fis l’éloge de son honnêteté chez Mme  la comtesse Doligny. Là se trouvait la maîtresse de M. d’Ambray, une grosse femme de trente-six ans, très fraîche ; elle avait l’aisance et la tournure de Mlle  Contat dans ses dernières années. (Ce fut une actrice inimitable ; je l’avais beaucoup suivie en 1803, je crois.)

J’eus tort de ne pas me lier avec cette maîtresse de M. d’Ambray ; ma folie avait été pour moi une distinction à ses yeux. Elle me crut d’ailleurs l’amant ou un des

  1. Ici description de la Chambre des Pairs.