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que je m’en doute, fut-ce aussi la peur de me faire mal.

Enfin je pris congé de Métilde.

— Quand reviendrez-vous, me dit-elle ?

— Jamais, j’espère.

Il y eut là une dernière heure de tergiversations et de vaines paroles ; une seule eût pu changer ma vie future, hélas ! pas pour bien longtemps. Cette âme angélique, cachée dans un si beau corps, a quitté la vie en 1825.

Enfin, je partis dans l’état qu’on peut imaginer le… juin. J’allais de Milan à Côme, craignant à chaque instant et croyant même que je rebrousserais chemin.

Cette ville où je croyais ne pouvoir demeurer sans mourir, je ne pus la quitter sans me sentir arracher l’âme ; il me semblait que j’y laissais la vie, que dis-je, qu’était-ce que la vie auprès d’elle (de Métilde) ? J’expirais à chaque pas que je faisais pour m’en éloigner. Je ne respirais qu’en soupirant (Shelley).

Bientôt je fus comme stupide, faisant la conversation avec les postillons et répondant sérieusement aux réflexions de ces gens-là sur le prix du vin. Je pesais avec eux les raisons qui devaient le faire augmenter d’un sou ; ce qu’il y avait de plus affreux, c’était de regarder dans moi-même. Je passai à Airolo, à Bellinzona, à