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cette passion pour la peinture d’Italie qui m’avait fait écrire sur ce sujet en 1816 et 17. J’allais au musée avec un billet que Lussinge m’avait procuré. La vue de ces chefs-d’œuvre ne faisait que me rappeler plus vivement Brera et Métilde. Quand je rencontrais le nom français correspondant dans un livre, je changeais de couleur.

J’ai bien peu de souvenirs de ces jours, qui tous se ressemblaient. Tout ce qui plaît à Paris me faisait horreur. Libéral moi-même, je trouvais les libéraux outrageusement niais. Enfin, je vois que j’ai conservé un souvenir triste et offensant pour moi de tout ce que je voyais alors.

Le gros Louis XVIII, avec ses yeux de bœuf, traîné lentement par ses six gros chevaux, que je rencontrais sans cesse, me faisait particulièrement horreur.

J’achetai quelques pièces de Shakespeare, édition anglaise, à 30 sols la pièce, je les lisais aux Tuileries et souvent je baissais le livre pour songer à Métilde. L’intérieur de ma chambre solitaire était affreux pour moi.

Enfin, cinq heures arrivaient, je volais à la table d’hôte de l’hôtel de Bruxelles. Là, je retrouvais Lussinge, sombre, fatigué, ennuyé, le brave Barot, l’élégant Poitevin, cinq ou six originaux de table d’hôte, espèce qui côtoie le chevalier