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FÉDER


Boulogne. Si vous paraissez aux courses de Chantilly, vous monterez un cheval qui a un nom dans le monde, et vous parierez cent louis en faveur du cheval coureur que tous les amateurs semblent abandonner. Dites au plus grand savant de Paris de faire toutes ces choses-là et bien d’autres, il ne peut. Par exemple, vous donnez à dîner dans la première primeur de toutes choses, au mois de février ; l’idée vous vient d’avoir des petits pois sur votre table ; vous envoyez un billet de cinq cents francs au marché. Or tout le monde voit ces petits pois sur votre table ; l’envie qu’un homme tel que vous inspire naturellement, dans ce siècle jacobin, n’a pas la ressource de nier. Tandis que le premier venu qui n’aime pas un savant, un homme d’Académie, dira fort bien : « J’ai lu ses ouvrages, et il m’ennuie». Or, à Paris, depuis que l’on y voit tant de journaux, il faut trouver, dès le matin, de quoi les remplir, et vous voyez que l’on met tout en discussion. Je défie bien votre plus grand ennemi de nier votre plat de petits pois coûtant cent écus. Vous possédez un avantage bien rare ; il n’y a pas cinq cents personnes, dans tout Paris, qui puissent vous le disputer : vous pouvez ajouter à chacun de vos dîners pour cinq cents francs, pour mille francs,