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ROMANS ET NOUVELLES


de sagacité pour dire des choses qui pussent la compromettre ; mais l’émotion de sa voix était si frappante, que l’épreuve ne tourna point d’une façon aussi avantageuse que Féder l’avait espéré. Les choses dites étaient assurément fort prudentes ; mais de quelle voix tremblante et passionnée ne les avait-on pas prononcées ! La chose en vint au point qu’à peine cinq minutes s’étaient-elles écoulées, que Féder prit son mouchoir, qu’il laissa tomber aussitôt. Valentine s’écria :

— On s’est embarqué sur le lac, allons-nous embarquer aussi !

Arrivés à l’embarcadère, Féder et Valentine ne trouvèrent plus de barque ; elles avaient pris le large, et on ne les voyait plus ; le mur d’une maison les dérobait aux regards des personnes qui étaient dans le parc. Féder regarda Valentine ; il voulait la blâmer ; elle ne s’était pas bien tirée de son rôle ; elle le regardait les yeux pleins de larmes ; il fut sur le point de lui dire une chose, un mot, qui ne devait jamais sortir de sa bouche ; il la regardait en silence ; mais, au moment où il remportait sur lui-même la victoire si difficile de ne lui rien dire, il se trouva que, sans qu’il eût songé et presque à son insu, il déposait un baiser sur son cou.

Valentine fut sur le point de se trouver