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FÉDER


mettait un peu d’affectation à s’en affaiblir l’importance ; il croyait fermement être à la veille de reprendre ses courses dans les bals du dimanche des villages environnant Paris. Depuis le mot d’amour si hardiment prononcé en parlant à Valentine, et dont nous avons rendu compte, un second mot d’amour n’était pas sorti de sa bouche.

« Il faut que ce soit elle qui me demande ce mot d’amour ! » s’était-il dit dans les commencements ; mais les vrais motifs de sa conduite étaient bien différents ; il trouvait une volupté parfaite dans l’extrême intimité qui, sur toute chose, s’était établie entre Valentine et lui ; il n’avait nul empressement à changer sa vie, « car, se disait-il, au fond, elle est toujours pensionnaire. Si je veux faire un pas en avant, ce pas ne peut être que décisif ; si la religion l’emporte, comme il est fort possible, elle s’enfuit à Bordeaux, où décemment je ne puis la suivre, et je me prive tous les soirs d’une heure délicieuse, qui donne de l’intérêt à toutes mes autres heures, et qui, dans le fait, est l’âme de ma vie. Si elle cède, il en sera comme de toutes les autres ; au bout d’un mois ou deux, je ne trouverai plus que l’ennui où je venais chercher le plaisir. Alors arriveront les reproches et bientôt la