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FÉDER

bituelle, que c’est au grand artiste que je vous ai nommé qu’il faut vous adresser.

— Parbleu, vous êtes un si grand original de probité, au milieu de ce pays de triples charlatans, s’écria Delangle avec toute la vivacité bordelaise, que je veux que ma sœur, madame Boissaux, jouisse de tout le ridicule de votre caractère. Oui, morbleu, j’accepte l’étrange visite à l’ouvrage du seul rival que vous puissiez avoir dans la peinture ; prenons une heure pour demain.

Le lendemain Féder dit à Rosalinde :

— Je vais paraître ce matin devant une provinciale, sans doute bien ridicule ; compose-moi une toilette bien catafalque, afin que, si je ne m’amuse pas en jouant mon rôle d’être triste et en écoutant avec respect ses sottes observations, je puisse, du moins, me distraire un peu en jouant et en chargeant mon rôle de Werther désespéré. Ainsi, si jamais je vais à Bordeaux, j’y aurai été précédé par l’idée touchante de ma profonde mélancolie.

Le lendemain, à deux heures, ainsi qu’on en était convenu, Féder se présenta à l’un des plus beaux hôtels de la rue de Rivoli, où étaient descendus M. et madame Boissaux. Le laquais, qui ne comprit pas qui Féder demandait, le conduisit à un homme de haute taille, mais déjà fort