Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
ROMANS ET NOUVELLES

— C’est ce que je ne veux pas, lui répondit Mina ; vous feriez événement à votre retour. Allez vous montrer pendant quinze jours à l’opinion publique tandis qu’elle s’occupe de vous. Songez que votre femme n’a aucun tort. »

Un mois après, M. de Larçay rejoignit Mina au charmant village de Belgirate, sur le lac Majeur, à quelques milles des îles Borromées. Elle voyageait sous un faux nom ; elle était si amoureuse qu’elle dit à Alfred : « Dites si vous le voulez à madame Cramer que vous êtes fiancé avec moi, que vous êtes mon promis comme nous disons en Allemagne. Je vous recevrai toujours avec bonheur, mais jamais hors de la présence de madame Cramer.»

M. de Larçay crut que quelque chose manquait à son bonheur ; mais dans la vie d’aucun homme on ne saurait trouver une époque aussi heureuse que le mois de septembre qu’il passa avec Mina sur le lac Majeur. Mina l’avait trouvé si sage, que peu à peu elle avait perdu l’habitude d’emmener madame Cramer dans leurs promenades.

Un jour, en voguant sur le lac, Alfred lui disait en riant : « Qui êtes-vous donc, enchanteresse ? pour femme de chambre, ou même mieux, de madame Cramer, il n’y a pas moyen que je croie cela.