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une position superbe dans la société de Paris ; cela valait mieux qu’un duel.

La première personne que Mina revit aux Charmettes le lendemain de son retour d’Aix, ce fut M. de Ruppert. Sa présence la rendit heureuse ; mais le soir même, elle fut vivement troublée : M. de Larçay vint la voir.

— Je ne chercherai ni excuse ni prétexte, lui dit-il avec simplicité. Je ne puis rester quinze jours sans vous voir, et hier il y a eu quinze jours que je ne vous ai vue.

Mina aussi avait compté les jours ; jamais elle ne s’était sentie entraînée vers Alfred avec autant de charme ; mais elle tremblait qu’il n’eût une affaire avec M. de Ruppert. Elle fit tout au monde pour obtenir de lui quelque confidence au sujet de la lettre interceptée. Elle le trouva préoccupé, mais il ne lui dit rien ; elle ne put obtenir autre chose que ceci :

— J’éprouve un vif chagrin, lui dit-il enfin ; il ne s’agit ni d’ambition, ni d’argent, et l’effet le plus clair de ma triste position est de redoubler l’amitié passionnée que j’ai pour vous. Ce qui me désespère, c’est que le devoir n’a aucun empire sur mon cœur. Décidément je ne puis vivre sans vous.

— Moi, je ne vivrai jamais sans vous,