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DU ROMANTICISME

Ce mot vraiment français eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. La tragédie racinienne dit bien plus noblement :

Je veux enfin qu’au jour marqué pour le repos,
L’hôte laborieux des modestes hameaux
Sur sa table moins humble ait, par ma bienfaisance,
Quelques-uns de ces mets réservés à l’aisance.

La mort de Henri IV, acte IV[1].

La comédie romantique d’abord ne nous montrerait pas ses personnages en habits brodés ; il n’y aurait pas perpétuellement des amoureux et un mariage à la fin de la pièce ; les personnages ne changeraient pas de caractère tout juste au cinquième acte ; on entreverrait quelquefois un amour qui ne peut être couronné par le mariage ; le mariage, elle ne l’ap-

  1. Les vers italiens et anglais permettent de tout dire ; le vers alexandrin seul, fait pour une cour dédaigneuse, en a tous les ridicules.

    Le vers, réclamant une plus grande part de l’attention du lecteur, est excellent pour la satire. D’ailleurs il faut que celui qui blâme prouve sa supériorité ; donc toute comédie satirique réclame les vers.

    J’ajouterai, par forme de digression, que la tragédie la plus passable de notre époque est en Italie. Il y a du charme et de l’amour véritable dans la Francesca di Rimini du pauvre Pellico ; c’est ce que j’ai vu de plus semblable à Racine. Son Eufemio di Messina est fort bien. Le Carmagnola et l’Adelchi de M. Manzoni annoncent un grand poëte, si ce n’est un grand tragique. Notre comédie n’a rien donné d’aussi vrai depuis trente ans que l’Ajo nell imbarazzo de M. le comte Giraud, de Rome.