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DE QUELQUES OBJECTIONS

chambre des députés et l’intérêt dramatique que souvent elle inspire. La nation a soif de sa tragédie historique. Le jour de l’expulsion de M. Manuel[1], il est impossible qu’elle se contente de la représentation de Zaïre aux Français, et qu’elle ne trouve pas un fonds de niaiserie ce sultan qui va donner une heure aux soins de son empire. Le farouche Richard III ferait bien mieux son affaire. L’amour-passion ne peut exister que chez des oisifs, et, quant à la galanterie, je crains que Louis XVI ne l’ait tuée pour toujours en France en convoquant l’assemblée des notables.

Racine a été romantique ; il a fait la tragédie qui plaisait réellement aux Dangeau, aux Cavoye, aux la Fayette, aux Caylus. L’absurde, ce sont les gens qui, écrivant en 1823, s’efforcent d’attraper et de reproduire les caractères et les formes qui plaisaient vers 1670 ; gens doublement ridicules, et envers leur siècle, qu’ils ne connaissaient pas, et envers le dix-septième siècle, dont jamais ils ne sauraient saisir le goût.

Depuis quelques années, tous les arts, et la poésie avec les autres, parmi nous, est devenue un simple métier. Tout jeune homme de dix-huit ans qui a remporté ses prix au collége, qui n’est pas né absolument dépourvu d’esprit, et, qui, pour le malheur de ses amis, se met à être poëte, apprend

  1. Le 3 mars 1823, la Chambre des députés, sur la proposition de M. de la Bourdonnaye, prononça l’expulsion de M. Manuel.