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DE QUELQUES OBJECTIONS

de marcher dans la route tracée devant lui : il subit des lois au lieu d’en imposer ; les traits de sa physionomie percent à peine à travers le masque qu’il est forcé de revêtir. Alors le goût est tyran, et le génie est esclave. C’est la situation où se sont trouvés la plupart des auteurs français[1]. »


9.

Des personnes qui ne savent réfuter qu’en prêtant des absurdités à leurs adversaires ont eu la bonté de me faire dire qu’il fallait jeter Racine au feu. Un grand homme, dans quelque forme qu’il ait laissé une empreinte de son âme à la postérité, rend cette forme immortelle.

Il a donné d’une manière ou d’autre, par le dessin, comme Hogarth[2], ou par la musique, comme Cimarosa, les impressions de la nature sur son cœur ; ces impressions sont précieuses et à ceux qui, n’ayant pas assez d’esprit pour voir la nature dans la nature, en trouvent cependant beaucoup à en considérer des copies dans les ouvrages des artistes célèbres, et à ceux qui voient la nature, qui adorent ses aspects tour à tour sublimes ou touchants, et qui apprennent à en mieux goûter certains détails en livrant leurs âmes à l’effet des ouvrages des grands

  1. Goëthe, les Hommes célèbres de France, page 109.
  2. Célèbre peintre et graveur anglais ; né en 1697, mort en 1764. Il excella dans l’expression fidèle des passions et des scènes populaires.