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DE QUELQUES OBJECTIONS

Hier (26 mars), à un concert à l’Opéra, comme l’orchestre écorchait le duo d’Armide, de Rossini, mon voisin me dit : « C’est détestable ! c’est indigne » — Étonné, je lui réponds : « Vous avez bien raison. — C’est indigne, poursuit-il, que les musiciens ne soient pas en culottes courtes ! » Voilà le public français et la dignité telle que la cour nous l’a donnée.

Je crois pouvoir conclure que quand l’expression de la pensée n’est pas susceptible d’autre beauté que d’une clarté parfaite, le vers est déplacé.

Le vers est destiné à rassembler en un foyer, à force d’ellipses, d’inversions, d’alliances de mots, etc. (privilèges de la poésie), les choses qui rendent frappante une beauté de la nature ; or, dans le genre dramatique, ce sont les scènes précédentes qui font sentir le mot que nous entendons prononcer dans la scène actuelle. Par exemple, Talma disant à son ami :

Connais-tu la main de Rutile ?
(Manlius.)

Le personnage tombe à n’être plus qu’un rhéteur dont je me méfie, si, par la poésie de l’expression, il cherche à ajouter à la force de ce qu’il dit ; grand défaut des poëtes dramatiques qui brillent par le style.

Si le personnage a l’air le moins du monde de songer à son style, la méfiance paraît, la sympathie s’envole et le plaisir dramatique s’évanouit.