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DE QUELQUES OBJECTIONS

a donné le bonheur, et s’il ne parle pas de manière à reproduire cette émotion[1] chez ses auditeurs, il excite l’envie ; et plus il aura affaire à des âmes communes, plus il sera ridicule.

Il y a une exception pour la terreur ; nous ne trouvons jamais odieux les gens qui font des contes de revenants, quelque communs et grossiers qu’ils soient ; nous avons tous eu peur dans notre vie.


4.

Les artistes dans le genre grave sont sujets à tomber dans le dédain, qui est aussi la sottise, envers les artistes dont le but est de faire naître le rire. Les graves se prévalent d’un privilège injuste, et dont ils sont redevables au pur hasard, ce à quoi je ne vois, guère d’élévation. Renvoyons cela à la vile carrière de l’ambition ; dans les arts, il faut plus de noblesse d’âme, ou l’on reste plat.

L’homme du peuple que l’on conduit au spectacle, dans l’admirable roman de Tom-Jones, trouve que c’est le roi de la tragédie qui a le mieux joué ; il s’indigne qu’on ose comparer un autre personnage au roi qui, d’abord, était le mieux vêtu, et qui, en second lieu, a crié le plus fort. Les gens du peuple, même ceux qui marchent en carrosse, reproduisent tous les jours ce

  1. Comme J.-J. Rousseau dans les Confessions.