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RACINE ET SHAKSPEARE

puisqu’elles le faisaient, et l’opinion de la cour, c’était la fortune[1]. La finesse d’esprit des femmes, la délicatesse de leur tact, leur ardeur passionnée pour faire la fortune de leurs amis[2], les ont rendues admirables pour tenir une cour comme pour la peindre[3]. Malheureusement les objets de l’attention publique ont changé, et les femmes qui n’ont pas couru assez vite à la suite des événements sont hors d’état de comprendre les raisons qui rendent une protestation ridicule ou admirable. Elles ne peuvent que répéter, d’après l’homme qu’elles aiment : C’est exécrable, ou : C’est sublime. Or l’approbation portée à ce point, au lieu d’être flatteuse, n’est qu’ennuyeuse.

Beaucoup de femmes de Paris trouvent un bonheur suffisant à s’habiller chaque soir avec beaucoup de soins, à monter en voiture, et à aller paraître une demi-heure dans un salon où les hommes parlent entre eux d’un côté, tandis que les femmes se regardent d’un œil critique entre elles. Au milieu d’une société ainsi arrangée, une

  1. Lettres de madame du Deffand à Horace Walpole.
  2. Mémoires de Marmontel.
  3. C’est dans les lettres de madame de Sévigné, de madame de Caylus, de mademoiselle Aïssé, etc., qu’il faut chercher le Siècle de Louis XIV. Celui de Voltaire est puéril, à peu près comme la Révolution de madame de Staël. On sent trop que Voltaire eût donné tout son génie pour avoir de la naissance. Entraîné par l’élégance de ses mœurs Voltaire n’a vu le Siècle de Louis XIV que dans les embellissements de Paris et dans les arts. Il est singulier qu’un homme d’honneur, attaqué impunément par la canne d’un grand seigneur, s’obstine à adorer le régime politique qui l’expose à ce petit désagrément.