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RACINE ET SHAKSPEARE

demande, qui pourra se flatter d’avoir un bon langage, si un homme aussi bien né, et que l’on n’accuse point d’avoir fui les cours, peut être accusé de mauvais ton dans le style ? En y regardant bien, l’on pourrait découvrir jusqu’à trois ou quatre langues différentes dans Paris. Ce qui est grossier rue Saint-Dominique n’est que naturel au faubourg Saint-Honoré, et court le risque de paraître recherché dans la rue du Mont-Blanc. Mais la langue écrite, faite pour être comprise par tous et non pas seulement à l’Œil-de-Bœuf, ne doit avoir nul égard à ces modes éphémères.

C’est l’affectation qui siffle Molière trois fois par mois ; autrement l’on pourrait prévoir que bientôt il sera indécent et de mauvais ton de dire sur la scène française : « Fermez cette fenêtre. »

Je crois qu’il faut déjà dire : Fermez cette croisée. Mais le pauvre bégueulisme, malgré son Journal des Débats, malgré son Académie française recrutée par ordonnance, est blessé au cœur et n’ira pas fort loin. Remarquez que cette délicatesse excessive n’existe qu’au théâtre et n’est soutenue que par le seul Journal des Débats. Elle ne se voit déjà plus dans nos mœurs. L’affluence des gens de la province, qui viennent pour la Chambre des députés, fait que, dans la conversation, on parle assez pour se faire entendre[1].


  1. Réflexions de M. Alexandre Duval sur le style de la comédie au dix-neuvième siècle. Les trois quarts des char-