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RACINE ET SHAKSPEARE

toute de finesse et de vanité satisfaite, vous retenez à terre mon âme qui brûlait de s’élancer vers le ciel ; pour un instant vous ravalez mon âme à n’être que celle d’un classiciste.

Donnez à Appiani un geste qui exprime son âme et non pas son état, car vous ne pouvez donner l’idée de ses chefs-d’œuvre qu’en montrant son âme. Exprimer quelque chose de particulier à l’artiste ; que, par exemple il avait les cheveux frisés de telle ou telle manière, ou qu’il était bel homme, c’est imiter les peintres du quatorzième siècle, c’est faire une méprise : car est-ce pour son toupet (ciuffo) ou pour sa jolie jambe que le public lui élève une statue ? C’est uniquement aux qualités de son âme et de son esprit qu’on rend un hommage immortel.

Si les traits que nous recevons en naissant de nos parents, si la physionomie qu’y impriment ensuite nos habitudes morales, exprimaient parfaitement et entièrement notre âme, je dirais : faites un portrait de votre statue.

Mais, comme il n’en est pas ainsi, une statue doit être un portrait embelli et doit présenter : 1o assez de ressemblance ; 2o autant que possible l’expression des grandes qualités que le public veut éterniser.

J’ai étudié très attentivement le buste de Vitellius à Gênes, les têtes d’Aristide et de César aux Studj à Naples, les bons bustes del Campidoglio a Rome ; j’ai cru voir :