Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
RACINE ET SHAKSPEARE

l’habitude de raisonner lâchement sur tout, on propose de nouvelles idées. Pas même un philosophe de 50 ans ne peut admettre de nouvelles idées, cela est contre la nature de l’homme.

En matière de style, il n’y a d’autorité pour nous que ce qui est démontré.

J’avoue que les prolégomènes dont l’illustre auteur fait précéder le recueil de mots qui formera le fond de son ouvrage ne m’ont pas entièrement satisfait.

C’est une étrange prétention que de s’imaginer qu’un poète refroidi soit encore trop bon pour faire un excellent philosophe. Toute la vie d’un homme de lettres n’est que le développement de sa jeunesse. Le philosophe soumet au feu de réverbère de l’attention toute puissante de cet âge heureux les problèmes encore obscurs de la formation et de l’expression des idées. Le poète écoute les sentiments de son âme ardente, nourrit cette âme par les passions orageuses et étudie dans les poètes anciens l’art d’exprimer avec grâce les sentiments passionnés qui l’agitent ou l’art de peindre les images magnifiques qui se présentent à sa vue.

Est-il possible qu’arrivés à un certain âge et déjà lancés dans la carrière et couronnés de lauriers ces deux hommes changent de métier ?

Les premières têtes d’un peuple ne sont pas trop bonnes pour faire sa grammaire et son dictionnaire. Nous avons vu chez un peuple voisin les seuls hommes en France