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DE LA LANGUE ITALIENNE

toutes nos relations sociales et la possibilité de jouir de toutes les connaissances acquises par nos semblables.

L’inconvénient, c’est que : 1o nous apprenons ordinairement les signes avant de connaître par nous-mêmes les éléments des idées qu’ils représentent ; 2o nous ne sommes jamais complètement sûrs que ceux à qui nous parlons comprennent absolument les mêmes combinaisons que nous sous les mêmes signes. En nous servant de tel signe, souvent nous nous abusons nous-mêmes et nous n’entendons pas les autres.

Donc une bonne grammaire italienne aura pour premier effet de rapprocher les diverses peuplades qui se divisent la malheureuse ed avilita Italia, et rendra les disputes entre elles plus courtes et plus faciles à terminer. C’est un des moyens les plus lents, mais les plus sûrs de faire que l’habitant de Milan n’appelle plus le Bergamasque un Forastè.

Il me semble que le défaut des meilleures grammaires italiennes est de vouloir rendre raison de la composition des signes, avant d’avoir expliqué la composition des idées qu’ils représentent et d’avoir exposé avec clarté le jeu des facultés intellectuelles qui concourent : 1o à la formation de ces idées, 2o à leur expression.

Les grecs, gens vifs et spirituels, avaient cédé à leur impatience naturelle et, pour abréger, avaient cherché plutôt à deviner la nature qu’à la connaître. Les rêveurs que l’on appelle communément les philo-