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RACINE ET SHAKSPEARE

Voilà le nom terrible de la maladie qui travaille l’italien.

Or voyez quels chefs-d’œuvre nous devons à ces milliers de gens instruits qui depuis cinq cents ans ont écrit en latin. Ces hommes supérieurs n’ont pas même pu parvenir à nous donner un ouvrage passable. Pétrarque, le grand Pétrarque lui-même a écrit en latin et personne ne lit son Africa.

Mais quoi, est-ce que les mots dont se servaient Pétrarque, Buchanan, Barclay, Érasme, Owen, Santeuil, le docteur Lowth, n’étaient pas bien latins ? Ils n’en admettaient aucun qu’ils ne pussent montrer au besoin dans Cicéron ou Virgile. Ils étaient aussi latins que les mots dont se servent les littérateurs vénitiens ou piémontais sont toscans : mais les tournures ne partaient pas du cœur. Dans aucun genre on n’a d’énergie que lorsqu’on parle sa langue d’habitude, que lorsque tout entier à l’idée à exprimer on ne songe plus à la langue dont on se sert.

Qu’on ne croie pas que je parle seulement de poésie ou d’ouvrages de simple littérature. Cette triste vérité dont les suites me font trembler s’applique tout autant et peut-être davantage aux ouvrages philosophiques qu’à ceux de poésie. L’influence des signes sur la faculté de penser est extrême. Les signes ou la langue sont un secours pour l’attention, ils l’empêchent de se disséminer sur des choses de détail, ils vont jusqu’à avertir l’homme supérieur de ses erreurs. Quel secours ne portent-ils donc