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RACINE ET SHAKSPEARE

Il est prouvé qu’on parlait milanais dès l’an 1100. Il est probable qu’on parlait milanais à Milan dès les premières invasions des gens du Nord qui peuplèrent ce pays quatre cents ans avant J.-C. Ce peuple a donc des tournures de phrases parfaitement adaptées, non seulement à ses grandes passions, mais encore à tous les petits mouvements de son cœur.

Mais les gens comme il faut étudient le toscan !

En supposant, ce qui est le contraire de la vérité, que ces gens-là parlassent le toscan, sont-ce eux qui ont de l’influence dans la langue ? Dans cette question de fait, les voix se comptent et ne se pèsent pas. La langue est une convention ; chacun parle pour soi.

En 1818, à Milan, on vient de faire deux proverbes, celui du matto fachino et de la messa dell’orefice. Je le demande : est-ce le peuple ou les gens de la haute société qui ont fait ces proverbes ? Les deux anecdotes fort plaisantes qui y ont donné lieu ont frappé le peuple et il a enrichi la langue. C’est ainsi que toutes les langues se font. Or en Italie, on ne fait ainsi que du milanais, du vénitien, du génois. La langue noble ne s’enrichit jamais. Elle garde encore les comparaisons triviales en usage au treizième siècle.

C’est ainsi que notre illustre auteur, parlant des mots ridicules admis dans le Dictionnaire de la Crusca, cite entre autres ceux de Diarodone et Diatrionionpipereon,