Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
DE LA LANGUE ITALIENNE

l’année 1400 par exemple, vous arrivez à ce résultat :

Milan, en l’année 1400, était parvenue au même degré de civilisation où Florence était arrivée dès l’an 1300.


GIORNATA TERZA

Le vieillard continua :

Comme la langue d’un pays tant qu’elle n’a pas été extrêmement travaillée par les gens de lettres, n’est que la notation du degré de civilisation où ce pays est parvenu, je conclus des deux ouvrages historiques que j’ai cités hier et du principe que j’en ai tiré qu’en l’an 1400 le langage parlé à Milan était arrivé à peu près au même degré de perfection que le langage parlé à Florence dès l’an 1300.

Je parle du langage dont on faisait usage dans ces deux grandes villes pour tous les usages de la vie privée. Je ne parle pas du langage écrit. La liberté réunie à la richesse[1]

  1. L’exemple voisin pour nous de tous les petits cantons suisses où l’on a joui de la liberté pendant deux siècles, mais où l’on est pauvre, nous montre que la liberté seule ne suffit pas pour faire naître une langue parfaite et une littérature. Là l’homme peut exprimer librement toutes ses idées et toutes ses sensations, mais faute de richesses, il y a peu d’oisiveté, peu d’ennui, peu de rapports journalier d’un sexe avec l’autre, donc il y a peu d’idées et de sensations à exprimer. Alger, ville très riche, n’a pas de littérature par la raison contraire à celle qui a empêché une littérature de naître à Switz ou à Underwald.