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RACINE ET SHAKSPEARE

secoués par les horreurs de la guerre ; les jeunes Milanais sont allés chercher la mort sur les bords de la Moskowa ou sous les murs de Girone. Les braves qui ont échappé à tant de hasards sont revenus au milieu de nous. La présence de tant de jeunes officiers si braves et si aimables, refoulés dans les sociétés particulières, n’aura-t-elle aucune influence sur les habitudes de notre vie, sur nos goûts littéraires ? Nous ne sommes pas ce que nous étions il y a trente ans, le fait est clair, personne ne peut le nier. On voit l’activité extrême déployée dans le négoce, au barreau ; dans les professions utiles, l’activité, le travail, se sont mis en honneur. Mais les changements dans notre manière d’être n’ont pas encore eu le temps d’influer sur la poésie. Les peuples d’Italie n’ont pas encore joui de ces longs intervalles de repos pendant lesquels les nations demandent des sensations aux beaux-arts. Ils ont encore trop de curiosité pour la politique. Une chose que l’on ne peut pas nier, c’est que notre caractère est devenu plus marqué, plus fort ; il exigera donc des écrivains, avant de leur accorder de la gloire, qu’ils produisent des ouvrages qui ressemblent davantage au caractère national, et qui, par là, lui donnent des jouissances plus vives. Le public recevra avec froideur les ouvrages de tous les écrivains qui lisent du grec, mais qui n’auront pas su lire cette règle dans l’air que nous respirons.

Lisons nos futures annales dans l’histoire