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SECONDE PARTIE

à sa bibliothèque. Ainsi que dans les cabinets littéraires de la rue de l’Odéon, on y lit bien plus Laharpe que Racine et Molière.

La grande célébrité de Laharpe a commencé après sa mort. Pédant assez mince de son vivant, car il ne savait pas le grec et peu le latin, et dans la littérature française ne se doutait pas de ce qui a précédé Boileau, il est devenu un père de l’église classique, voici comment :

Lorsque Napoléon suspendit la révolution, et crut, comme nous, qu’elle était finie, il se trouva toute une génération qui manquait entièrement d’éducation littéraire. Cette génération savait cependant qu’il y avait une littérature ancienne ; elle attendait des jouissances des pièces de Racine et de Voltaire. Au retour de l’ordre, chacun songea d’abord à avoir un état, l’ambition fut une fièvre. Aucun de nous n’eut l’idée que du nouvel ordre de choses lui-même dans lequel nous entrions, il pût naître une littérature nouvelle. Nous étions Français, c’est-à-dire ne manquant pas de vanité, et pleins du désir non de lire Homère, mais de juger Homère. Le Cours de Laharpe, célèbre dès 1787, se trouva là à point nommé pour répondre à nos besoins. De là son immense succès.