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SECONDE PARTIE

aujourd’hui, n’avons-nous pas Colmar et la Grèce ? Mais si vos comédies sont bonnes, plaisantes, réjouissantes, comme la Lettre sur le gouvernement récréatif et la Marmite représentative, M. Demat, honnête imprimeur de Bruxelles, ne manquera pas de vous rendre le même service qu’à M. Béranger ; en moins de trois mois, il vous aura contrefait dans tous les formats. Vous vous verrez chez tous les libraires de l’Europe, et les négociants de Lyon qui vont à Genève recevront de vingt amis la commission de leur apporter votre comédie, comme ils reçoivent aujourd’hui la commission d’importer un Béranger[1].

Mais hélas ! je vois à la mine que vous me faites que mes conseils ne sont que trop bons ; ils vous fâchent. Vos comédies ont si peu de verve comique et de feu, que personne ne prendrait garde à leur esprit, personne ne rirait de leurs plaisanteries, si quotidiennement elles n’étaient louées, recommandées, prônées par les journaux dans lesquels vous travaillez. Qu’ai-je à

  1. Le volume de ce grand poëte qui, grâce à M. Demat, coûte trois francs à Genève, se paye vingt-quatre francs à Lyon, et n’en a pas qui veut. Rien de plaisant à la douane de Bellegarde, située entre Genève et Lyon, comme la liste affichée dans le bureau des ouvrages prohibés à l’entrée. Comme je lisais cette liste en riant de son impuissance, plusieurs honnêtes voyageurs la copiaient pour faire venir les ouvrages qu’elle indique. Tous me dirent qu’ils apportaient un Béranger à Lyon. Mars 1824.