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SECONDE PARTIE

Racine ne pouvait traiter la mort de Henri III. La chaîne pesante nommée unité de lieu lui interdisait à jamais ce grand tableau héroïque et enflammé comme les passions du moyen âge et cependant si près de nous qui sommes si froids. C’est une bonne fortune pour nos jeunes poëtes. Si des hommes tels que Corneille et Racine avaient travaillé pour les exigences du public de 1824, avec sa méfiance de toutes choses, sa complète absence de croyances et de passions, son habitude du mensonge, sa peur de se compromettre, la tristesse morne de la jeunesse, etc., etc., la tragédie serait impossible à faire pour un siècle ou deux. Dotée des chefs-d’œuvre des grands hommes contemporains de Louis XIV, jamais la France ne pourra les oublier. Je suis persuadé que la muse classique occupera toujours le Théâtre-Français quatre fois par semaine. Tout ce que nous demandons, c’est que l’on veuille bien permettre à la tragédie en prose de nous entretenir cinq ou six fois par mois des grandes actions de nos du Guesclin, de nos Montmorency, de nos Bayard. J’aimerais à voir, je l’avoue, sur la scène française, la mort du duc de Guise à Blois, ou Jeanne d’Arc et les Anglais, ou l’assassinat du pont de Montereau ; ces grands et funestes tableaux, extraits de nos annales,