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RACINE ET SHAKSPEARE

tragédie romantique dans le goût du Richard III de Shakspeare ? Tout le monde tomberait d’accord à l’instant sur ce que veut dire ce mot, genre romantique ; et bientôt, dans le genre classique, l’on ne pourrait plus jouer que les pièces de Corneille, de Racine, et de ce Voltaire qui trouva plus facile de faire du style tout à fait épique dans Mahomet, Alzire, etc., que de s’en tenir à la simplicité noble et souvent si touchante de Racine. En 1670. un duc et pair, attaché à la cour de Louis XIV, appelait son fils, en lui parlant, monsieur le marquis, et Racine eut une raison pour faire que Pylade appelle Oreste : seigneur. Aujourd’hui les pères tutoient leurs enfants ; ce serait être classique que d’imiter la dignité du dialogue de Pylade et d’Oreste. Aujourd’hui une telle amitié nous semble appeler le tutoiement. Mais si je n’ose vous expliquer ce que serait une tragédie romantique intitulée la Mort de Henri IV, en revanche,

    de Calais par Édouard III, et le dévouement d’Eustache de Saint-Pierre ; lisez immédiatement après le Siège de Calais, tragédie de du Belloy : et si le ciel vous a donné quelque délicatesse d’âme, vous désirerez passionnément comme moi la tragédie nationale en prose. Si la Pandore n’avait pas gâté ce mot, je dirais que ce sera un genre éminemment français, car aucun peuple n’a sur son moyen âge des Mémoires piquants comme les nôtres. Il ne faut imiter de Shakspeare que l’art, que la manière de peindre, et non pas les objets à peindre.