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SECONDE PARTIE

dans la caravelle du navigateur génois, descendait au troisième sur les rivages d’Amérique ? Est-ce la Panhypocrisiade du même poëte, ouvrage dont quelques centaines de vers très-bien faits et très philosophiques ne sauraient faire excuser la monotone bizarrerie et le prodigieux dévergondage d’esprit ? Est-ce la Mort de Socrate, du P. Lamartine, le Parricide, de M. Jules Lefèvre, ou l’Éloa, ange femelle, née d’une larme de Jésus-Christ, de M. le comte de Vigny ? Est-ce enfin la fausse sensibilité, la prétentieuse élégance, le pathos obligé de cet essaim de jeunes poëtes qui exploitent le genre rêveur, les mystères de l’âme, et qui, bien nourris, bien rentés ne cessent de chanter les misères humaines et les joies de la mort ? Tous ces ouvrages ont fait du bruit en naissant ; tous ont été cités comme modèles dans le genre nouveau ; tous sont ridicules aujourd’hui.

Je ne vous parle point de quelques productions réellement trop pitoyables malgré l’espèce de succès qui a signalé leur entrée dans le monde. On connaît le compérage des journaux, les ruses des auteurs, les éditions à cinquante exemplaires, les faux-titres, les frontispices refaits[1], les carac-

  1. Voir un numéro de la Pandore relatif à un débat d’intérêt entre le très-lyrique auteur de Han et son libraire Persan.