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sous le nom de religion chrétienne, trient encore aujourd’hui se mêler à toutes nos affections. La qualité de saint, qui, une fois, fut le comble de l’honneur, nuit aujourd’hui à saint Paul. Cet homme a eu sur le monde une bien autre influence que César ou Napoléon. Comme eux, pour avoir le plaisir de commander, il s’exposait à une mort probable. Mais le danger qu’il courait n’était pas beau comme celui des soldats.

Du haut des ruines du Colysée, on vit à la fois avec Vespasien qui le bâtit, avec saint Paul, avec Michel-Ange. Vespasien, triomphant des Juifs, a passé sur la voie Sacrée, près de cet arc de triomphe, élevé à son fils Titus, et que, de nos jours encore, le Juif évite dans sa course. Ici, plus près, est l’arc de Constantin ; mais il fut construit par des architectes déjà barbares : la décadence commençait pour Rome et pour l’Occident.

Je le sens trop, de telles sensations peuvent s’indiquer, mais ne se communiquent point. Ailleurs ces souvenirs pourraient être communs ; pour le voyageur placé sur ces ruines, ils sont immenses et pleins d’émotion. Ces pans de murs, noircis par le temps, font sur l’âme l’effet de la musique de Cimarosa, qui se charge de rendre sublimes et touchantes les paroles vulgaires d’un libretto. L’homme le plus fait pour les arts, J.-J. Rousseau, par exemple, lisant à Paris la description la plus sincère du Colysée, ne pourrait s’empêcher de trouver l’auteur ridicule à cause de son exagération ; et, pourtant, celui-ci n’aurait été occupé qu’à se rapetisser et à avoir peur de son lecteur.

Je ne parle pas du vulgaire, né pour admirer le pathos de Corinne ; les gens un peu délicats ont ce malheur bien grand au dix-neuvième siècle : quand ils aperçoivent de l’exagération, leur âme n’est plus disposée qu’à inventer de l’ironie.

Pour donner une idée quelconque des restes cet cet édi-