Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à tous les citoyens, quand les lois l’auraient accordée, aurait été bien assez restreinte par le péril d’offenser les factions dominantes, ou même celles qui pouvaient le redevenir. Dès que l’une d’elles avait saisi le pouvoir, il en était comme chez nous en 1815 ; c’était un crime non seulement de dire, faire ou écrire, mais d’avoir fait, dit ou écrit quoi que ce soit contre elle.

À chaque révolution d’une ville la volonté des vainqueurs réglait tous les droits et tous les devoirs. Il ne restait aux vaincus qu’une ressource, celle de tenter, à leurs risques et périls, de vaincre à leur tour.

Comment diable n’être pas énergiques avec le soleil et les richesses d’Italie, et quatre siècles de ce joli petit gouvernement ?

Il n’y avait un peu d’exception pour tout cela, et un peu de fixité qu’à Venise. Aussi les Vénitiens étaient-ils devenus les Français de l’Italie, gais, spirituels et sans énergie[1]. Avec une énergie brûlante ou sombre, suivant qu’on est dans une veine de bonheur ou d’adversité il est impossible d’être gai, spirituel, léger. L’esprit a l’habitude de mettre trop d’importance à tout ; dès qu’on est indigné, l’on ne peut plus rire, ni sourire.




  1. Voyez dans la Vie d’Alfieri, écrite par lui-même, les échevins de Paris se perdant dans la boue, en allant complimenter Louis XV le premier de l’an.