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rité à l’appui, encore ne s’attendait-il pas à une foi entière. Son regard droit, calme, et en quelque sorte substantiel, ne cachait point d’arrière-pensée. Sa grosse lèvre germanique n’avait rien de perfide dans son naïf sourire. À la vérité, ses opinions étaient toutes extrêmes, droites, mais sans la bigoterie et le fiel de la médiocrité. Il portait dans sa diplomatie la bonhomie de son ménage ; et le baron de Reden était, comme je l’appris ensuite, le modèle des vertus domestiques. Son intérieur était un tableau d’Auguste Lafontaine, son ambassade une famille ; et tous ceux qui avaient à faire à lui, du plus bas au plus haut étage, le trouvaient constamment et sincèrement paternel. Ses yeux brillaient quand il parlait de son précepteur, qui avait alors tout près de quatre-vingt-dix ans ; et l’un des plus grands plaisirs qu’il se promit à son retour en Hanovre était de lui demander sa bénédiction et de baiser sa main. Ses filles étaient formées sur le même moule d’excellence primitive. Pendant une de mes visites au palais, je remarquai un dessin dans un des principaux appartements. Le secrétaire de la légation m’en expliqua le sujet, tandis que les dames baissaient la tête. C’était le portrait de la fille aînée du baron, sous la figure de Charlotte, distribuant du pain et du beurre aux enfants.