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ses intentions de dévaliser un conseiller de Turin, dont la voiture renfermait 40.000 fr. Rondino le défendit tout seul contre cette bande, et refusa toute récompense.

Il y a près de six mois que le pauvre Rondino tomba entre les mains de la justice ; voici comment : il vint coucher une nuit dans un presbytère ; selon son habitude il demanda toutes les clefs ; mais le curé en garda une au moyen de laquelle il put faire sortir quelqu’un et envoyer chercher les carabinieri. Éveillé par les cris de son chien, doué d’un instinct inouï, Rondino put encore monter dans le clocher et s’y barricader. Le jour arrivé, il s’établit une fusillade entre lui et les carabiniers ; aucun coup ne l’atteignit, tandis que plusieurs de ses adversaires furent mis hors de combat. Mais manquant de munitions et de vivres, force fut bien de se rendre ; seulement Rondino ne voulut se livrer qu’à des soldats de la ligne, dont un détachement entrait en ce moment dans le village. Après avoir brisé la crosse de son fusil et donné son chien à l’officier commandant, Rondino se laissa emmener sans résistance, attendit assez longtemps son arrêt, l’écouta avec sang-froid, et subit son supplice sans faiblesse ni fanfaronnade.

Qui pourrait refuser de la pitié, de l’intérêt même, à un tel homme ? Jeté dans la