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s’éleva quelquefois à plusieurs milliers de soldats. Sixte-Quint parvint à l’éloigner de Rome, mais non à la dompter. Clément VIII attaqua Sciarra avec tant de vigueur, en 1592, que cet illustre brigand se vit obligé de renoncer à son dangereux métier, et passa au service de la République de Venise avec cinq cents de ses plus braves compagnons. On l’envoya en Dalmatie faire la guerre aux Uscoques ; mais Clément se plaignit vivement de ce que les bandits qu’il poursuivait s’étaient ainsi soustraits à sa justice ; il demanda qu’ils lui fussent livrés ; le Sénat de Venise prit peur, fit assassiner Sciarra, et envoya ses compagnons mourir de la peste dans l’île de Candie.

Obligés de guerroyer sans cesse avec les troupes pontificales, les brigands se réfugièrent dans les bois ; dénués de toute ressource, ils volèrent et assassinèrent pour vivre. Leur ligne d’opérations embrassait les montagnes qui s’étendent d’Ancône à Terracine, de Ravenne à Naples. Mais lorsque l’impunité, par manque de moyens de répression, ou par défaut de bonne volonté des gouvernements, fut devenue une espèce de sanction tacite, alors le brigandage couvrit toute l’Italie. Cette vie indépendante et aventureuse séduisit des esprits qui, bien dirigés, auraient été capables de grandes choses. Prendre la forêt