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dames italiennes ; il leur est permis de dire des sottises, mais non pas d’en faire ; chaque erreur est sévèrement punie par les événements ; chez nous, on trouve de l’agrément et puis de la niaiserie dès qu’on entrevoit une ombre de péril : c’est le contraire ici.

Les femmes italiennes ont du caractère contre tous les accidents de la vie, excepté contre la plaisanterie, qui leur semble toujours une atrocité. Jamais, dans le monde, un homme, pour plaire à son amie, ne persifle une autre femme, puisque jamais deux femmes ne sont ensemble qu’en cérémonie. Par la même raison, jamais deux femmes ne se picotent. Cette horreur de la plaisanterie se trouve au même degré chez les hommes ; au moindre mot qui peut être une raillerie, vous les voyez changer de couleur. Vous voyez le mécanisme qui rend impossible ici l’esprit français ; l’Apennin se changera en plaine avant qu’il puisse s’introduire en Italie. La louange fine et délicate ne peut avoir de grâce qu’autant que la critique est permise ; comment le goût de la société pourrait-il naître ici, puisque ce qui fait le charme de la société ne peut y exister ? Comment des indifférents, réunis dans un beau salon, bien chauffé et bien éclairé, peuvent-ils se donner du plaisir, si la plai-