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LE RIRE

ment involontaire. Cette exception n’a lieu à Paris que dans la très bonne compagnie, ou peut-être en Amérique, sur la prairie des Illinois, dans un état de société très simple. Ce pardon est de beaucoup facilité si nous méprisons un peu le conteur.

Si le mépris pour la personne du bouffon aide beaucoup au rire, c’est que notre amour-propre ne se bat pas avec le sien, et est bien loin de toute idée de rivalité. Cela est plus remarquable en province, où la hideuse maladie nommée pique d’amour-propre étend ses ravages beaucoup plus qu’à Paris[1]. Je connais plusieurs provinciaux qui ne rient jamais d’un conte, qu’en s’écriant : « Que tu es donc bête ! »

N’oublions pas, toutefois, que le personnage de conteur connu et affiché favorise le rire, par une autre cause : la clarté.

La dignité de mauvais goût fait qu’on ne se permet pas de rire de certaines choses réputées trop gaies. Les provinciaux sont forts pour ce genre de dignité. C’est, je crois, ce que Beaumarchais appelle le bégueulisme.

Naïveté ridicule.

la dame. — Monsieur, je suis trop vieille pour aller au bal.

  1. Preuve : les parterres de province comparés aux parterres de Paris.